
Au-delà des besoins primaires de la célèbre pyramide de Maslow (boire, se nourrir, se vêtir, avoir un toit, des ressources, et disposer d’une sécurité au quotidien) l’être humain, en tant qu’être social, « animal politique » selon l’expression d’Aristote, ressent un besoin social essentiel : celui de la reconnaissance, à la fois pour son appartenance à un groupe et pour sa singularité. C’est cette double reconnaissance d’appartenance et de singularité qui va construire dynamiquement l’identité humaine.
Les signes de reconnaissance selon Eric Berne, le fondateur de l’analyse transactionnelle.
Un signe de reconnaissance est un signe physique, vocal ou verbal par lequel on indique aux autres qu’on les reconnaît et grâce auquel les autres nous disent : « je te reconnais! » Ce signe peut être positif (un compliment) ou bien négatif, (une critique), conditionnel s’il porte sur un comportement, une activité, ou une possession : « Je suis mécontent que tu n’aies pas pris mieux soin de mon vélo. » ou inconditionnel, portant sur la personne : « Tu es une belle personne ! »
Selon l’analyse transactionnelle, idéalement nous devrions pouvoir demander ces signes, ou en anglais « strokes » (qui signifie à la fois caresse et coup) les adresser et les recevoir, les accepter ou les refuser s’ils sont pour nous injustifiés, et même nous les donner à nous-mêmes. Parfois à cause des limites d’expression dues à l’éducation, ces capacités sociales ne seront pas toujours faciles à mettre en œuvre.
L’inverse de la reconnaissance ce sera donc l’indifférence, la non communication, la non écoute. Être ignoré, ne pas exister dans le regard de l’autre, être invisible. L’anonymat, le mépris, le dédain, voire la complète mise à distance.
Exil, ostracisme, bannissement, excommunication guettent alors, l’exclusion totale du groupe, une sorte de mort sociale qui préfigure une mort plus concrète, celle de l’individu rejeté dans le vaste monde, seul face à tous ses périls.
En entreprise, nous savons que l’une des techniques les plus barbares pour harceler et pousser un collaborateur vers la sortie est d’interdire à tous les autres collaborateurs de communiquer avec lui.
Dès la naissance…
L’enfant biologiquement dépendant est touché, chatouillé, embrassé, papouillé. Il a besoin pour bien se développer psychologiquement et physiquement, pour s’humaniser, de tous ces « vivats », gazouillis, guilis/guilis et paroles que lui adressent ses parents ou autres proches.
Plus tard, à l’adolescence ces signes de reconnaissance deviennent le plus souvent symboliques : un sourire, un regard, une parole remplacent petit à petit les échanges physiques de la petite enfance.
Selon Freud, l’amour d’un parent au moins, au départ la mère, est essentiel pour donner à l’enfant confiance en soi, estime de soi, et plus tard confiance dans ses actions et projets. C’est fondamental. Quelqu’un qui n’a pas reçu la reconnaissance et l’estime de sa mère risque une faille identitaire et une insécurité interne terrible, avec le sentiment de ne pas vraiment compter pour les autres et au fond de soi, de ne pas valoir grand-chose.
Pour rappel, 75 % de la population a vécu une relation d’attachement psychologique insecure dans son groupe familial d’origine, seul les 25 % restants se sont donc vraiment sentis acceptés, accueillis rejoints et reconnus dans leur groupe primaire d’origine.
Quand ce désir de reconnaissance est en inflation et nous fragilise
Le désir éperdu de reconnaissance peut nous fragiliser socialement quand il provient de parties de nous, des émotions, des besoins, des aspirations légitimes qui n’ont pas été émotionnellement reconnues ou acceptées telles qu’elles sont.
L’expression pleine de la personne, donc son intégrité, a pu être entravée, parasitée très tôt par des rejets, des blâmes et des critiques.
Porteurs de ces conditionnements éducatifs limitants que nous trimballons depuis l’enfance, nous chercherons souvent désespérément à être reconnus par les autres là où nous n’avons jamais reçu cette reconnaissance dans nos plus jeunes années.
Une mère pourra toujours dire à ses enfants : « De quoi vous plaignez vous ? Vous avez eu bien mieux que moi, vous avez été bien nourris, bien habillés, bien soignés, et j’étais tout le temps à la maison pour vous servir », un enfant a besoin de plus qu’un confort matériel ou une présence physique pour se développer. La qualité de présence, l’écoute, l’empathie, le dialogue, la reconnaissance de toutes les émotions et des besoins sont essentiels.
Un parent qui s’est coupé depuis l’enfance de parts de lui-même pour être
accepté aura du mal à se connecter en profondeur, à être en ouverture
émotionnelle avec son enfant, à créer avec lui un lien empathique et une relation émotionnellement saine. Les tâches et les soins domestiques seront accomplis mécaniquement mais la connexion forte avec l’enfant et sa pleine reconnaissance ne se feront pas. La coupure intérieure du parent va le couper de son enfant.
Si nous appartenons aux 75 % de la population ayant vécu une relation d’attachement psychologique non sécurisante au cours de l’enfance, une reprise de soi par soi est cependant possible. La vie est plasticité et mouvement de croissance, et des figures de substitution, professeur, mentor peuvent prendre le relais.
Des lectures éclairantes, es expériences inédites, des alliances thérapeutiques de qualité, l’amour après les épreuves des contes de fée, etc. pourront par la suite remettre d’aplomb l’identité et la sécurité intérieures fragilisées.
Ce travail sur soi nous mènera sur la voie d’une plus grande solidité intérieure et aussi d’une plus grande liberté. Une auto reconnaissance et auto acceptation de soi par soi.
À bientôt pour la suite !